Alerte rouge : l’Occident perd ses couleurs
Alerte rouge : l’Occident perd ses couleurs
Quand on imagine certains pays d’Afrique ou d’Amérique du Sud, on y voit un florilège de couleurs vives que l’on retrouve sur leurs drapeaux, mais aussi sur leurs vêtements ou leurs tissus à l’image du wax par exemple. Tout nous ramène à un monde de couleurs. A côté, notre monde occidental fait grise mine. Sur nos voitures, dans nos maisons, autant que dans nos garde-robes, les couleurs semblent disparaître de notre quotidien. Depuis 30 ans, les couleurs neutres sont devenues la norme. Alors, pourquoi l’Occident perd-il ses couleurs ? Décryptage.
UN MONDE SANS COULEUR
Vous souvenez-vous des intérieurs de nos maisons des années 60 à 90 ? On y trouvait des couleurs saturées et joyeuses : le jaune moutarde ou l’orange vif habillaient les murs des années 70, le vert fluo et le rose fushia nos objets du quotidien des années 80. Les contrastes étaient d’autant plus forts qu’ils étaient mis en avant à travers des motifs géométriques ou abstraits. Aujourd’hui, nous avons rangés au placard nos couleurs pop et nos survêtements vitaminés. Et que dire de nos voitures ? 3 voitures sur 4 vendues en Occident sont actuellement grises, blanches ou noires (en 1952, les ¾ étaient rouges, vertes ou bleues). Dans tous les domaines, le constat est le même : la couleur semble avoir disparue. Une étude britannique a comparé la couleur de 7000 objets de notre quotidien : les noirs, blancs et gris représentaient environ 15% de notre quotidien en 1800 contre 40% aujourd’hui.
LA STANDARDISATION
Comment expliquer ce phénomène ? La première réponse se trouve sûrement dans la standardisation. Les constructeurs automobiles misent ainsi désormais sur les couleurs neutres car ils vendent leurs produits partout dans le monde, dans des pays mais aussi pour des cultures différentes. Les tons plus neutres semblent être un bon compromis pour séduire le plus grand nombre et faire le grand écart entre les attentes d’une clientèle asiatique, américaine ou européenne. De même, d’un point de vue consommateur, une voiture de couleur neutre se revend plus facilement, c’est donc vers ces couleurs que les gens se tournent. Idem pour les téléphones ou les ordinateurs portables. Dans nos modèles globalisés, l’industrie et l’uniformisation imposent le gris, le blanc et le noir.
LE MINIMALISME
Le minimalisme est également un élément de réponse. Cette tendance, qui prône la fonctionnalité, les lignes épurées, et une certaine simplicité privilégie naturellement les couleurs neutres. Ce mouvement esthétique, très influent dans le monde scandinave, s’est largement répandu en Occident et a fortement contribué au déclin des couleurs vives. Que ce soit dans le prêt à porter ou la décoration, le monochrome est à la mode. C’est ainsi qu’est même apparu un phénomène très populaire sur les réseaux sociaux : les beiges moms. Une approche parentale, adoptée par de nombreuses mères pour aménager leurs intérieurs et notamment les chambres de leurs enfants, qui privilégie une esthétique minimaliste caractérisé par des couleurs neutres comme le beige.
L’INTEMPORALITÉ
Si les couleurs neutres séduisent c’est aussi car elles sont perçues comme plus intemporelles, moins ancrées dans les tendances. Les personnes, qui ont peur de se lasser des couleurs vives ou tranchées notamment dans leur décoration, préfèrent jouer la carte de la sobriété. Dans les années 2020, ce sont donc plutôt les bleus, les gris ou les beiges qui sont à la mode. Choisir des couleurs neutres dans sa décoration est vu comme un investissement plus rentable. Cette tendance à l’intemporalité est aussi accentuée par la volonté de consommer plus responsable : de nombreuses personnes se tournent désormais vers des collections de prêt-à-porter plus intemporelles, des matières naturelles, et des couleurs sobres qui dureront dans le temps.
UN BESOIN DE RECONFORT
Dans des périodes d’incertitude économique, politique ou sociale, comme celle que nous vivons actuellement, beaucoup se tournent vers des valeurs sûres qui tenteront de combler cette instabilité ambiante et adoptent ainsi des couleurs neutres, plus apaisantes voir réconfortantes. A l’image du Moccha Mouse, élue couleur de l’année 2025 par Pantone : ce marron chaleureux et sophistiqué évoque le confort, la simplicité mais aussi une grande douceur qui fait du bien. Et cette tendance se renforce également du côté des enseignes de prêt-à-porter et de décoration qui, souffrant actuellement du contexte économique, préfèrent elles aussi miser sur des couleurs neutres donc plus commerciales.
LA CHROMOPHOBIE
Si les couleurs ont peu à peu quitté le monde occidental, c’est aussi à cause de ce que l’artiste britannique David Batchelor appelle la chromophobie à savoir la peur de la couleur en Occident. Pour résumer, il considère qu’en Occident, nous associons plutôt les couleurs vives à des éléments jugés comme enfantins, primitifs ou féminins. Cette perception participe au fait de dire que les couleurs vives sont plus superficielles. Les couleurs sobres quant à elles, seraient plus sérieuses, plus adultes ou plus intellectuelles. En uniformisant notre entourage avec des couleurs neutres, moins personnelles, on prônerait donc la rationalité, le sérieux ou la sobriété. Cette perception, pourtant infondée, fait partie intégrante de notre culture et contribue, chaque jour d’avantage à la disparition de couleurs vives.
LES HABITUDES
Moins on porte de couleurs, moins on a envie d’en porter. C’est le constat mis en avant par de nombreux experts des couleurs comme Jean Gabriel Causse. Selon lui, même nos grands ambassadeurs de mode que sont les grands couturiers sont maintenant tous habillés en noir. La mode ne nous incite pas à porter des couleurs. Je suis pour ma part convaincue que porter des couleurs c’est un art qui s’entretient, c’est une habitude que vous donnez à vos yeux de vous voir en couleurs, ou pas. Pas facile de sortir de sa zone de confort quand, pendant des mois, voir des années, on s’est vu en noir, en bleu marine ou en gris. A cela s’ajoute la peur de faire de fautes de goût, il est en effet facile de tomber dans la monochromie ou dans la conformité.
Vers quoi se dirige notre monde et que penser d’un monde sans couleurs ? Faut-il y voir une société où l’uniformité est la règle ? Où la grisaille ambiante emporte tout ? Une société en perte de diversité culturelle ?
La bonne nouvelle c’est que, dans l’univers de la mode et du design, tout est une question de cycles. Il semblerait donc que la couleur revienne petit à petit dans certains domaines. Des entreprises intègrent ainsi des couleurs dans leur décoration pour stimuler la créativité et la motivation de leurs salariés. Les espaces de coworking fourmillent d’ailleurs de couleurs, à l’image des derniers défilés de mode.
L’avenir nous dira si nous reverrons bientôt notre monde occidental en couleurs. Mais pour cela, il faut une volonté de tous. Alors, si nous nous réapprenions tous à voir la vie en couleurs ? La colorimétrie est un outil incroyable pour toutes ceux et celles qui souhaitent désormais intégrer des couleurs dans leur quotidien. Envie d’en savoir plus ? Contactez-moi